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Récit d’un merveilleux relais

Récit d’un merveilleux relais

Il y a quelques mois, je reçois un sms de Sandrine me demandant si je veux participer au relais 4X40km avec elle et Emilie ou si je veux bien prêter mon nom et surtout mon certif pour s’inscrire. J’accepte de venir courir. Emilie de son côté demande le certif de sa belle-sœur qui doit courir de Néouvielle. Ayant raté l’inscription, elle rejoint le relais également. Je comprends qu’elles avaient plutôt prévu de faire chacune 80km, mais c’est fait nous voilà parti toutes les 4. Avec Noellie et notre manque d’expérience nous avons un peu de pression pour ne pas être les boulets du groupe.

L’organisation sera ainsi :

1- Noëllie : l’humilité. Celle qui ne pensait pas qu’elle était méritante, qui se met au
service d’un groupe, à penser au bien-être de l’autre plutôt qu’au sien, qui a
découvert qu’elle était bien plus capable qu’elle ne le pensait. Elle aura le relais le
plus court avec beaucoup de montée.
2- Sandrine : la valeur sûre du groupe, celle qui sait et maîtrise. Elle n’oublie rien,
apporte la joie de vivre, on ne manque de rien. Relais avec le plus de descente, pour
qu’elle puisse montrer le cabri qui est en elle.
3- Emilie : la battante, l’infatigable, la festive, celle qui ne doute pas et connaît tous les
sentiers, se donne les moyens de ses objectifs. Elle aura le relais le plus long, de nuit
mais sera la plus rapide.
4- Maud : le facteur X, celle qui ne savait pas qu’elle pouvait.

Côté prépa je panique un peu, j’ai du volume avec l’aneto trail début juillet et continue de courir, mais niveau hygiène de vie ce n’est pas la folie parce que les apéros en vacances c’est la vie. Fabien me rassure en me disant que je suis en forme puisque je ne suis jamais blessée. Il a raison, vu comme ça, je suis en grande forme et je le garderai dans un coin de ma tête toute la course.


Fin août, le départ approche.


Nous prenons la route avec François, Sandrine et Guillaume pour arriver jeudi vers 17h sur Vielle Aure avec une trentaine de degrés au thermomètre. Après une heure d’attente pour les dossards (c’était visiblement compliqué de mettre 4 bracelets d’un coup), nous voilà parti
boire une bière où l’on retrouve tous les copains du RAPV, du jogging, du Poiré, de la Roche, bref entre 2 « tu fais quelle course ? cool, tu es déjà venu au GRP ? » nous sommes à la 2ème bière, certes bonne mais qui fait son effet, ouf Sandrine ont les mêmes symptômes. Du coup
on en commande une 3ème. Elle est toujours aussi bonne, il est plus de 20h quand nous décidons de rentrer manger et d’ouvrir une autre bière…


Nuit pas terrible, soif, chaud et voisins festifs. 4h, Guillaume se lève, allume la lumière pour se faire cuire son oeuf, en sors un « bâtard » de ma bouche, oups, avant que je n’aille me recoucher avec Sandrine. Nous sommes donc réveillées et envoyons tous nos encouragements à notre première relayeuse qui démarre à 5h cette folle aventure. Nous partons en voiture pour la Mongie à 9h. Arrivée à 10h15 il ne fait pas chaud, il y a du brouillard. Sandrine est dans les starting-bloc. Nous nous sommes rendues compte qu’il n’y avait que 5 équipes féminines, il nous prend à rêver, de loin, comme une hypothétique chance de loto, à un podium. En attendant je scrute chaque fille qui arrive, savoir si elle donne le relais à un homme ou non, afin d’éliminer les équipes mixtes. Sandrine stresse. (En parlant de relais nous avons l’impression de partir pour un 4X400m plutôt que pour 8h de course.). On voit Romain arriver et rester longtemps à la Mongie avec sa famille et ses crampes…Soudain, nos éclaireuses Maelis et Anaé nous annoncent l’arrivée de leur maman. Elle pensait arriver pour midi, elle arrivera donc à 12h00 !!! une véritable montre suisse. Elle est 3ème féminine. Sandrine part. 12h15 voilà JC, « youyou » comme il dit, le Serpolet leur a fait mal, pfff ça ne donne pas envie d’y aller tout de suite.

Après avoir dit au revoir aux gars, aux parents de Noëllie et récupéré une glacière nous partons direction le col du Tourmalet en voiture. Le ciel est dégagé, nous nous arrêtons déjeuner en écoutant toute l’émotion et les ressentis de Noellie. Notre objectif suivant étant qu’Emilie, 3eme relayeuse se sente bien, sieste ? pas sieste ? Pierrefitte ? Luz ? Elle opte pour Luz, car village mignon. Elle a prévu de courir le 4ème relais avec moi pour emmancher des km. Au hasard nous prenons la direction du château et tombons sur un parking avec de l’herbe et des sanitaires au top pour nous
maquiller, euh… chier tranquille !! On retient le spot pour la nuit suivante.

Il y a du soleil, nous nous octroyons un temps sieste et lecture dans l’herbe. En fin d’après- midi nous rejoignons François et Nathan au ravito pour suivre un bout de course de la machine qu’est Louis. Puis nous filons boire un verre et manger du fromage en terrasse.

19h nous rejoignons Pierrefitte. Emilie reste se reposer et peaufiner son sac, quand nous allons commander une pizza pour l’arrivée de Sandrine. 20h30 la voilà, d’après nos calculs Emilie ne sera pas là avant 6-7h du matin, ce qui me présage une longue nuit. Nous retournons donc poser notre tente et manger au doux parking de Luz. Noëllie dormira dans la voiture et moi avec Sandrine dans la tente. Les filles surveillent les pointages et me
réveillent à 3h30 car Emilie est en avance !! Arf, en plein rêve…non je déconne je ne dors pas, l’adrénaline est là. Sandrine file voir Guillaume qui arrive à la base de vie de Luz, je me prépare et commence à préparer mon petit déj, tout était prévu, réchaud, casserole, thé, poele, œuf, fromage… Mais zut pas de feu… !! Pas idée de prendre que des non-fumeuses dans cette équipe !! Je me fais donc un sandwich avec ce qu’il reste.

Direction le ravito. 5h, nous croisons Mickael Daheron, sortant de la salle de repos, frais comme un gardon, il repart sur le 120km. Nous voyons aussi Anne-Marie revenir, après être repartie pendant 1/2h la tête lui tourne, elle est dépitée, on est là, tout mon cœur compatit
et lui envoie toute ma compassion et mon admiration mais les mots sont difficiles à trouver pour la réconforter.


Nous voyons un relais féminin passer puis 1/2h après, Emilie arrive, il est 5h35. Elle me dit que je peux partir seule, elle a des hallucinations. Je suis 4ème, la 3ème féminine est partie en même temps que moi mais devant. Je comprends surtout que je pars seule, dans la nuit, sous la pluie et le brouillard… Je suis étrangement sereine, à ce moment-là ce n’est plus un problème. Je démarre dans Luz et ne vois pas les rubalises… ça commence mal. J’en parle à un mec du 160, qui doit en avoir ras le bol de les voir depuis 12h ! Finalement on sort de la ville et je vois beaucoup mieux les banderoles réfléchissantes dans la nuit. Je m’étais fixée 2h pour Tournaboup, mais avant de partir on constate que François met 1h30 sur son relais, on vise plutôt 3h de montée pour moi. Je double 3-4 mecs du 160 mais sinon je suis seule au monde. Je me dis que je grimpe et n’éteindrai la frontale qu’à Tournaboup, donc marcher jusqu’à ce qu’il fasse jour. Le brouillard s’intensifie, je repense à Guillaume qui m’avait dit de télécharger une appli avant de partir pour ne pas me perdre, chiotte, je redouble de vigilance pour voir ces fanions refléter. Au bout de 9km je vois un mec allongé sur le côté du chemin, il fait nuit, il flotte, je le réveille et me rend compte que c’est Micka que nous avions vu à Luz. Je lui demande s’il veut me suivre jusqu’à Tournaboup c’est à 4km, ouf il est ok. On commence à marcher et je comprends qu’il n’est pas sur le bon parcours depuis Luz… Je lui propose de trottiner, il accepte, tant mieux car j’ai envie de courir. Je suis vite déstabilisée car j’arrive à peine à le suivre …. Il va vite pour un mec qui ne mange plus !!! A 1,5km de Tournaboup il s’assied, et me dit d’y aller, je dirai aux filles de l’attendre. Je suis d’ailleurs étonnée de les voir si vite car je ne suis qu’à 2h07 de course. Elles m’annoncent que je suis 4ème féminine et que la 3ème est partie il y a déjà 20min. La 3ème m’a mis 20’ sur 13km, pas de pression, on finira 4ème, car soyons honnête, ce n’est pas comme au 4X100m, on n’a pas mis le meilleur élément pour la fin. Je bois une soupe à la tomate (enfin du chaud !) et repars dans le pierrier. Je me prends un vent de face, 1ère mission ne pas me prendre de cailloux dans les yeux, la 2ème étant de ne pas me prendre un sapin sur la tronche, j’ai cru faire demi- tour tellement il me faisait chasser. Je regarde ma montre je sais que j’ai 6km jusqu’à la cabane d’Aygues-Cluses, je monte tranquillement. Arrivée là-bas on me confirme que la hourquette Nère est à 2,5km, mais on m’annonce surtout qu’il n’y a que 300m de D+ pour l’teindre alors que je m’attendais à avoir un mur de 700. En prime le soleil arrive, que de bonnes nouvelles. Nous rejoignons le 120km, je n’ose pas trop les doubler, ces machines… bon je me rends compte que les machines sont bien
entamées. Arrivée au sommet, je fais une pause photo, c’est beau et dégagé, il est 10h04.

Pas de pointage, étrange, mais personne ne sait ce qu’il en est. On m’a dit que la descente suivante était un peu galère entre rochers et racines. Je prends une petite sporténine pour le moral, j’ai l’impression d’être Astérix qui prend de la potion magique. Après ça, pas de chichi, je cours dans la descente et bougez-vous les gars, je passe. J’arrive derrière un K-way rouge que je suis pendant une centaine de mètre avant de reconnaître Alexis Moreau, on discute, il m’annonce que les Merlans sont à 6km (soit 29 à ma montre), j’avance, croise Guigui G et Raphaël, c’est cool de voir des copains. Je me fais rattraper par un mec du 160, il court encore celui-ci !! On discute pendant 4km, il m’impressionne, comme tous ceux qui font de grandes distances. Cela fait passer le temps. J’ai chaud, je m’arrête débâcher. En repartant je croise des randonneurs et demande combien il reste de km pour les Merlans, la dame me répond que je suis arrivée…dans 3km !!! la conne ! Réponse qui généralement te sape le moral. Je me fixe comme objectif d’y être avant les 6h de course pour avoir une chance de finir en moins de 9h. Arrivée aux Merlans en 6h07. Je vois 2 filles, je me dis que pour le plaisir je les doublerai, (elles font probablement parties des relais mixtes) dans la descente du Portet. Je remplis ma flasque, bois une soupe, fais pipi, prends un carreau de chocolat, 6h11, impeccable mais elles sont déjà reparties. Je me sens bien, je suis, elles me distancent, bon y’a pas à dire je ne suis pas montagnarde, mais patiente.


Je monte quand même bien plus vite que prévu, ce qui me laisse une marge plus importante pour passer sous les 9h de course. La vue est belle, personne ne me voit, personne n’en saura rien, je fais ce que je veux, je m’arrête et fais une photo.

Puis je repars, faut pas déconner, j’en ai 2 à rattraper. Je choisis de garder mes bâtons dans les mains pour le moment, pas le temps de les ranger. J’en double une dans les 500 premiers mètres de descente et file vers mon 2ème objectif, elle est plus loin mais alterne marche et course, je sais que je vais me la faire. Allez bim, 1km
après c’est fait. Et soudain j’aperçois une 3ème fille en orange plus loin, celle-là devient mon objectif numéro 1 car je suis persuadée qu’elle est la 3ème féminine. Je cours tranquillement mais je sais que je ne dois pas fournir l’effort trop tôt car il y a la descente très raide dans le champ de vaches. Arf, j’ai quand même envie d’y aller, elle ne court pas si vite et ne semble pas très à l’aise. Au moment où je la double un copain à elle arrive en remontant avec des bâtons pour faire son lièvre, pour moi c’est sûre elle est devenue ma cible, je la dépose, cours cours cours… puis on
tourne sur la droite, AHH c’était là le champ de vache bien raide !! Je débranche le cerveau et cours encore, il doit me reste 8-9km, je me dis que si elle ne me rattrape pas à 5km de l’arrivée c’est gagné, le brouillard arrive, elle ne me reverra pas. A 5km, ma tête a gagné, à 3km, Soullans, j’appelle Sandrine, j’arrive, il ne peut plus rien m’arriver, je suis à 11km/h, je vole. A Vignec j’ai la surprise de voir mon copain Baptiste qui a couru le Néouvielle avec ses fils, ça me donne du baume au cœur, il m’annonce que je suis 3ème. A 1km je croise Nico, un copain de Noellie, il me dit n’avoir croisé aucune fille, j’en suis ravie, je conforte cette 3ème place. J’accélère encore, enfin j’en ai l’impression, mais j’ai un autre objectif, terminer en moins de 8h de course. J’ai un comité d’accueil de fous en arrivant, les filles me sautent dans les bras en me disant que nous sommes 2ème , excellente nouvelle, avant que le speaker nous annonce officiellement notre première place. (Les premières ont eu une pénalité d’une heure pour cause de barrière horaire non respectée). NDLR : passage aux Merlans à 8h56 pour un horaire maximal à 8h20. 7h57 de course. J’ai mon chéri en direct au téléphone qui est fier de moi, on partage, c’est chouette.


C’est de loin la meilleure course que j’ai faite, le collectif transcende, nous avons été une équipe soudée avec beaucoup de bienveillance et d’encouragement.

NDLR : Maud réalise un aussi bon temps sur la dernière partie Merlans-Arrivée que Pierre Jourdain (9ème du 220km) lors de son meilleur passage (8 participations).

Le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé.