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La fin du triptyque de l’année                   épisode 1/3

La fin du triptyque de l’année                   épisode 1/3

6 ans. Au même endroit 6 ans plus tard. Il est 22H et des poussières et je me trouve dans l’infirmerie du domaine Saint Estève à Millau. Je pousse la porte et le cercle des 5 personnes de la sécurité civile me dévisage. Il y a 6 ans c’était pour accompagner Thomas Coutand, épuisé et au bout de lui-même. Cette fois-ci c’est pour moi. Mais rembobinons la cassette.

C’est l’année des 80. Il faut bien reprendre les distances par un chiffre. Repasser au-dessus de 100, sans transition, cela semblait un peu dur. Après l’Ultra du Périgord 88km en … puis le Tour des Lacs 80km du GRP en aout, le Grand Trail des Templiers forme la dernière partie de mon triple défi de l’année. Il arrive 7 semaines après le GRP. Je compte bien poursuivre la dynamique du GRP et améliorer ma forme. Le travail ayant repris, le vélo disparait de la prépa, mais je cours le plus possible. 18 séances en 7 semaines. Je tourne à un peu plus de 2 sorties semaines. Plus longue distance 30km. Sinon ça ne dépasse pas les 15km. EN revanche je vais faire de la côte. La côte d la Proutière, la plus longue et plus proche de la maison est visité une demi-centaine de fois. La concurrence avec Magalie Jousseaume est féroce ! Mais elle est la plus balaise et la plus assidue.

Bref. Tout se passe quasiment parfaitement. Comme d’habitude la muscu est absente de la prépa. La prépa du meilleur coach du monde, ultra formé à la clinique du coureur et kiné du sport, Guillaume Jourdain, n’est absolument pas suivie. Je tiens à préciser que c’est surtout une adaptation vis-à-vis des choix familiaux et du travail. Mais un jour j’arriverai à suivre la prépa et être au top. Le bémol majeur arrive à 1 semaine et ½ du terme lorsqu’un vilain covid s’empare de moi. 3 jours au lit et une bonne fatigue qui pue du c… On enchaine par une semaine de réunions au boulot et départ après un dernier évènement au travail à 20h, direction Millau, seul dans la voiture. J’arrive à 5h30 du matin après une petite sieste de 2h entre Poitiers et Limoges.

La journée d’avant course est magnifique. Un beau temps et les copains qui sont arrivés de l’Endurance trail et de l’Intégrale. Nous buvons quelques bières et encourageons Laurent Jaud à son arrivée de la Boffy Fifty et Alexandre et Tao au départ de la VO² trail. Un sommeil réparateur et hop.

Boffy Fifty. Et le gars fait top 40 !

Le départ est donné. Avec Antho on ne se lâche pas. Ameno a retentit et c’est vrai que c’est particulier ce départ à la lueur des feux de Bengale avec cette musique qui vous prend aux tripes. En revanche, en 3ème vague, la surprise n’est plus vraiment là. Bien placés dans le sas de départ nous démarrons prudemment sur les premières centaines de mètres et nous faisons pas mal doubler. Puis nous lançons les hostilités. Les 3 premiers kilomètres sont courus en dessous de 5’45/km. Autant dire que c’est assez rapide pour nous. Le 1er faux plat se présente et j’ai bien crus qu’Antho allait faire exploser mon petit cœur. Je m’accroche et nous relançons avant d’attaquer la montée de Carbassas. Je me rends à l’évidence. Je monte comme une brouette et Antho est toujours plus fort que moi depuis le GRP. 10m. 20m. 50m. Je stabilise à peu près l’écart. Mais je suis au bord de la rupture. Je dégouline car il fait déjà chaud. Un vrai torrent. Sur le plateau je relance et raccroche Antho. Nous discutons entre deux petites relances. La suivante m’est fatale. Antho s’envole et je craque parmi les 7,5km de plat de ce plateau. Merde. Je repars un peu plus loin mais le corps ne suit pas. Je paye mon départ ? Quand même ? pas si tôt ? Ce ne sont pas 3 km à 11,5km/h qui vont me tuer. C’est une allure que je tiens (tenais) en trail en Vendée sur 15 ou 20 bornes. Autre hypothèse, ce pourrait être les restes du Covid. Le cardio monte vite, la fatigue est vite arrivée… J’en discute avec François Gaboriau, un collègue de Moutiers que je dois laisser partir lui aussi.

La descente est longue car ça bouchonne. On a beau le savoir, ça arrive. Ça me permet de souffler un peu. Le ravito de Peyreleau est beau. Cette approche dans les ruelles et le monde en bas. C’est chouette. C’est moins beau que lorsque les premiers passent, moment où c’est « Tour de France » mais tout de même. Je revois François et sa femme au ravito. Ils m’encouragent sincèrement. Je discute rapidement avec Vincent Cléro également. J’en repars mieux mais tout de même bien amoché. Il reste 60 km. Je commence à connaitre cet état. Je suis passé en 3h13, soit un peu plus de 30′ d’avance sur les BH.

1838ème, la position est anecdotique. Je me mets dans ma course et dans ma souffrance. Il faut laisser passer l’orage. Relancer quand on peut, s’économiser dès que c’est possible. Il y a un peu de plat le long de la rivière par la suite. Alors je cours ce que je peux. Et j’attaque la belle côte de 440D+ en 2,9km vers Saint André de Vézine. Je me range une fois ou deux pour des plus rapides. Je passe également une fois ou deux. S’en suivent 3 petites bosses et j’arrive hors de forme à Saint André. 34km, 1400D+ de faits en 5h35. J’ai toujours un peu plus de 30’ d’avance. « C’est de la merde ! » C’est ainsi que je passe le bip et la caméra qui filme en direct les passages. Je refais les pleins et prend du temps. Une soupe. Une deuxième, saucisson, etc. Je m’assois un peu. Pfff. Marre. Vivement que la forme revienne. Chaque bosse me met dans le rouge, pulsations à faire exploser le cœur, transpiration ruisselante. Bon allez. Ce n’est pas tout ça mais si voulons rentrer de jour. Non et puis c’est quand même superbe. N’exagérons pas. C’est top.

Ça descend bien et je cours bien vers Montméjean. Superbe passage. Paysage somptueux. Ça aide carrément. Je reprends 200D+ avant d’attaquer une belle descente de 400D- en 4km. Des passages un peu techniques mais je décide de la faire vite, plus vite. Du coup je demande le passage aux gars qui m’ont doublé dans la côte. Je finis vers la Roque Sainte Marguerite en courant vraiment bien. Je me fais même carrément plaisir dans la descente et dans particulièrement dans La Roque Sainte Marguerite. Les « Allez le RAPV ! » retentissent. Au ravito je vois Antho. Je lui lance une vanne pourrie pour le chambrer sur le fait que je reviens sur lui. J’apprends alors qu’il bâche. J’essaie de le faire repartir mais c’est en vain. Antho, je suis encore navré de cette vanne mal placée. Je repars de La Roque Sainte marguerite (45km et 1650D+) en 7h51. Un petit 300D+ m’attends pour aller à Pierrefiche. Encore une fois je me mets minable dans cette bosse de merde. Je monte vraiment comme un marathonien. Quelle burne ! 3,4km effectués en 3,85km/h (bon avec 351D+). En haut je me sens mieux mais ce n’est pas ouf. Il me reste un truc irrégulier pour aller à la Salvage (1,5km plat puis 150D+ en 2,3km irréguliers, 1km plat et 110D- en 1,9km).

La Salvage. Je suis encore un peu dans le dur en arrivant. Il me faut prendre du temps à ce ravitaillement. 56km et 2231D+ en 10h08. C’est 34’ d’avance sur les BH. Ça commence à ressembler à un mouroir les ravitos. Il reste du monde en pleine forme mais aussi deux trois zombies… Je repars et ça caille. Je cours tout de suite. Je repars un peu mieux. Il y a un enchainement descente, bosse, descente, bosse pour aller à Mas de Bru. Je donne ce que j’ai en descente et je me fais mal en côtes. Mais le rythme et l’effort sont supportables. Je suis dans ma course.

Mas de Bru. 65km, 2672D+ en 12h06. 22’ d’avance. Là aussi c’est conforme. Les difficultés sont à la fin du parcours et je commence à perdre de mon avance. Je veux absolument passer par le parcours officiel, ne pas être détourné. Et pour ça il faut passer les BH. La prochaine est à Massebiau dans 1h07. Il y a 5km et 400D-. C’est un peu court. Donc feu roulant. Je cours comme un fou dans cette descente. Je double et redouble du monde. Ça se calme sur la fin de la descente car c’est un peu plus technique, car je commence à être bien entamé, car ceux de devant ne sont pas des branques. Mais ça fait une belle portion en 7,4km/h entrecoupée par une gamelle mémorable.

Massebiau 70km, 2700D+ en 12h50. 23’ d’avance sur les BH. Il reste encore la montée du Cade et la descente dans le ravin du Caf avant de pouvoir prétendre passer par la côte de la Pouncho d’Agas. Il reste une BH à franchir dans le ravin si je ne veux pas être détourné. Le ravito est expédié en 2,2. Je fais le plein et zou. Je revois François qui part quand j’arrive. Il n’est pas loin dans la côte mais bon. Ce n’est vraiment pas mon terrain. Je ressors la frontale et donne le meilleur de ce qu’il me reste.

La suite c’est 400D+ en 3,5km. Malgré mon train de sénateur à 2,95km/h, je parviens tout de même à doubler du monde. Il faut dire que tout ce qui s’apparente à du plat, je le trottine. J’ai du jus. J’ai sorti les pâtes de fruit et le sucre envoie de l’énergie rapide dans mes veines. 

Millau nous attend alors que la Pouncho d’Agast se dessine sous nos pieds.

Le Cade 73,6km, 3191D+ 13h56 de course. Il est 19h53 et il me reste 37’ pour parvenir à la BH du ravin du Caf. Alors ce n’est pas aujourd’hui que je vais apprécier le superbe ravitaillement de la ferme du Cade. Je discute avec François rapidement et je repars en trombe avec l’envie de pisser.

La fin va se faire moins stressante. Quelques hectomètres plus tard, on nous propose d’éviter le ravin du Caf. Ce que je refuse. J’ai vaincu mes démons et les BH. A présent ça va être bon. C’est à la queue leu leu que va se terminer la course. La descente au ravin puis la remontée vers la Pouncho. Enfin l’escalade de la Pouncho. Dans le noir et le vent. Rien de bien excitant mais la satisfaction d’avoir réussi le défi. Surtout content d’avoir enfin pu traverser la grotte du hibou.

La descente de la Pouncho est une vraie patinoire. Juré la semaine prochaine je sors les chaussures neuves. Je pense que j’ai embrassé chaque arbre de la descente. Dans les derniers hectomètres François revient avec moi. Nous passerons la ligne ensemble désormais. Il me raconte sa surprise de me voir ici après m’avoir découvert dans un triste état lors du 1er ravitaillement. Nous passons l’arche d’arrivée. 81km (82,5 à la montre) et 3532 D+ en 16h22, 1818ème. Je le salue. J’ai mal aux jambes. Je commence à marcher comme un zombie tout raide. Et si j’allais faire soigner ma jambe après cette belle chute vers Massebiau ? Allez ! Je passe la porte de l’infirmerie. La boucle est bouclée. J’aurais tout donné, encore une fois, particulièrement en descente. Fin du triptyque de l’année. Plus que du bonus à Carcassonne dans 5 jours avec Angéline.